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16 novembre 2025 | il y a 1 jour

Recyclage des déchets: Une «mine d’or» économique encore sous-exploitée

La filière du recyclage des déchets connaît un dynamisme remarquable en termes d’entrepreneuriat, atteignant près de 20 000 opérateurs actifs.

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C’est le chiffre encourageant qu’a révélé la ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, Amel Abdellatif, à l’occasion de l’ouverture de la 9e édition du Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets (Revade) au Palais des expositions des Pins maritimes. Cette progression fulgurante, le nombre d’entreprises inscrites au CNRC étant passé de 14 229 en 2020 à 19 469 aujourd’hui, atteste de l’intérêt croissant de la jeune génération pour l’économie circulaire. L’augmentation spectaculaire du nombre d’opérateurs est le fruit des facilités accordées pour la création de start-up et de micro-entreprises, soutenues par des entités comme la Nesda et l’Angem, et d’une adaptation des codes d’activités au registre du commerce. Ces mesures visent à transformer la contrainte environnementale en une ressource économique majeure. La ministre de l’Environnement, Kaouter Krikou, a d’ailleurs insisté sur la nécessité d’une coopération intersectorielle pour créer un écosystème national intégré de gestion des déchets, favorisant l’innovation et les partenariats public-privé, y compris à l’échelle africaine. L’innovation et les technologies modernes sont au cœur de cette ambition, comme l’a souligné le ministre Noureddine Ouadah, voyant dans les déchets une ressource naturelle utilisable dans des secteurs vitaux comme l’agriculture.

La dure réalité du recyclage : des chiffres révélateurs

Malgré cette effervescence entrepreneuriale, la filière du recyclage en Algérie reste largement sous-exploitée face à l’ampleur du gisement. Le pays collecte annuellement un volume colossal de 34 à 36 millions de tonnes de déchets, mais le taux de recyclage réel stagne à un niveau extrêmement faible, estimé à environ 10% à 12 % du volume total. Pour les déchets ménagers et assimilés (DMA), qui atteignaient 12,6 millions de tonnes en 2022 et pourraient exploser à 70 à 75 millions de tonnes par an d’ici 2035 en l’absence de changement, le taux de valorisation ne dépasse pas les 7 à 10%.

La non-valorisation de ces matières premières secondaires représente une perte sèche. Une estimation récente de la valeur marchande des déchets récupérables s’élevait à environ 207 milliards de DA en 2023 (151 milliards de DA en 2021), illustrant le potentiel financier immense qui s’échappe de l’économie nationale. Actuellement, la gestion des DMA coûte à l’État près de 73 milliards de DA par an, un fardeau qui ne fera que s’alourdir si le modèle linéaire (produire, utiliser, jeter) perdure.

Les défis majeurs freinant l’essor de la filière

Plusieurs obstacles majeurs continuent de se dresser devant la transformation de cette « mine d’or » en richesse nationale effective, malgré la Stratégie nationale de la gestion intégrée des déchets (SNGID) à l’horizon 2035, qui vise à valoriser 47% des DMA et créer 30 000 emplois directs. Le principal défi réside, selon les spécialistes, dans l’insuffisance des infrastructures de tri et de valorisation. La stratégie de gestion repose encore trop lourdement sur l’enfouissement dans les Centres d’enfouissement technique (CET) – qui absorbent entre 5,6 et 5,9 millions de tonnes par an – limitant la qualité des flux recyclables. La collecte sélective à la source n’est pas généralisée, entraînant une forte contamination des matériaux mélangés, ce qui réduit leur valeur commerciale et rend leur traitement industriel difficile et coûteux.

Avec la matière organique constituant 76,3% de la composition des DMA, l’Algérie pourrait à coup sûr bénéficier d’une opportunité considérable tant jusque là, seulement 1% de cette fraction organique est actuellement traitée par compostage ou biométhanisation. Le développement de la valorisation organique est pourtant essentiel pour l’agriculture et la production d’énergie.

Certains spécialistes affirment également qu’une grande partie du tri et de la collecte des matières valorisables est prise en charge par un large secteur informel. Bien qu’essentiels, ces acteurs non intégrés créent des inefficacités et fragilisent la traçabilité, déplorent les spécialistes qui ne cessent d’insister aussi sur le besoin d’impliquer davantage le citoyen à travers la généralisation du tri sélectif et des campagnes massives de sensibilisation. L’autre défi soulevé par des spécialistes consiste en la gestion des déchets par les collectivités locales qui doivent, soutiennent-ils, cesser d’être anarchique pour s’appuyer sur des plans directeurs et des schémas intégrés.

En tout cas, le chiffre dévoilé par la ministre montre néanmoins que l’Algérie dispose d’un tissu entrepreneurial en expansion, d’un gisement abondant et d’une stratégie nationale volontariste. Mais transformer ce potentiel en véritable économie circulaire suppose de franchir un cap décisif en matière de modernisation des infrastructures, d’intégration des collecteurs informels, de la généralisation du tri et de l’accélération des investissements. Autant de leviers indispensables pour faire de cette « mine d’or » un moteur pleinement opérationnel de diversification économique.

16 novembre 2025 | algeria-logo